107bis rue de L.

Published on by Audrella

Des gens veulent me rencontrer. D’autres me demanderont où je les ai déjà croisés. Des chemins en cascades j’en ai connu plein. Je ne fais que passer du chemin en pure perte. Il y a de ces catastrophes que l’on sent arriver. Un ciel un peu trop clair, des paroles fortes à voix hautes, des champs labourés, des levures de bières qui forcent le respect à se mettre la tête sur la table. Les mains en l’air pour expirer enfin. Ça sent le bien-être de la lassitude au goût amer. A la terrasse bourgeoise des cafés. Il faut y regarder de plus près. Car celui qui n’y est pas assis doit fatalement passer son chemin et poursuivre d’autres buts. J’aurais aimé m’y saouler.

Même si je m’élevais dans le ciel, rien d’autre n’aurait son pareil. Personne ne peut me voir d’où je suis. C’est dans un trou à rat que j’expulse tout ce que je peux. Ça pourrait être plus beau. Je suis plus près de la terre et j’aime me salir les mains. Malgré tout j’ai la force du cœur et certains l’ont oublié. Je voudrais être celle qui crache le plus loin pour anticiper le jour où je devrais jeter une pierre par-delà. Je souffre d’être considérée à juste tort. Je ne jetterai pas la pierre. Mon corps me provoque des frayeurs. Je doute toujours de ces gens qui devraient le considérer mieux que moi.

Je ne pensais plus pouvoir m’émouvoir de ce genre de choses. Ça continue à me faire mal. Je me déporte sur le côté pour voir si je peux me dédoubler et constater ce dont il s’agit. Mes pères me regardent sans trop vouloir soutenir mon regard. Il est des choses qui sont difficiles à assumer. La soustraction de ces deux sexes, leurs fragmentaires émulsions, parce que ce serait trop beau de se dire que l’on est en l’autre. Jusqu’à sentir je ne sais quoi. La monstruosité des gestes qui violent Hortense, ou Judith.  Je ne sais pas pourquoi j’y pense souvent. Il s’agit d’être condamné à jouir chacun de son côté et d’en mourir pareillement. … je ne veux pas t’ effrayer… blesse moi là où ça ne fait pas mal.

J’attends. Je t’attends. Je ne vois rien arriver. Et je peux aisément me repaître de cette lucidité, qui devient la force aveugle qui me pousse à y croire. A écrire par-delà le mur. C’est bien plus jouissif de sauter le pas à n’enfreindre aucune autre douleur. A chaque fois que je voudrais dire je, je devrais employer le tu et m’adresser plutôt à lui. Parce que de là où tu es, tu ne peux m’entendre. Je me demande même s’il peut y avoir encore un mot pour définir la manière dont je devrais employer le verbe rester. Dont je devrais employer ma force pour t’aimer encore. Je pourrais au moins avoir droit aux questions que tu te plais à taire. Il les aura peut-être à ta place. Je n’attends que ça et ton corps me semble de plus en plus étranger à moi-même, là où je devrais y voir la chance de pouvoir me travestir en ton sexe. J’essaie tous les jours. J’y pense souvent. Ce serait bien.

 

« Tu veux venir à une fête de jardin 107bis rue de L. ?». J’ai toujours aimé les fêtes, c’est d’ailleurs pour cela que je n’y vais plus. Je me suis déjà croisée dans un jardin, je pensais que c’était quelqu’un d’autre mais il me semblait bien la reconnaître et puis le reflet de la porte vitrée a eu raison de me frayer sur ce chemin de l’angoisse d’exister. Inquiétante étrangeté de ne pas se reconnaître. Et je ne rejetterai pas la possibilité de pouvoir me suspendre à l’idée que je m’en fais. Le goût d’inachevé confère au sublime mais suis-je vraiment une romantique ? Sous l’arbre, sous les pieds, les fourmis qui s’écrasent. La terre fraîche qui se tasse un peu plus. Ça me fait du bien ce silence qui ne gronde plus à mes oreilles. Je pense à lui. Je me demande d’où vient le souffle qui soulève ma poitrine. Tout est calme. Le ciel c’est aussi ce qui me reste pour m’isoler. Dis, tu aimes mon sexe ?

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